L’inouï de Noël

Dans une de ses prédications, le théologien Paul Tillich écrit : « Au cours du procès des criminels de guerre à Nuremberg, un témoin vint à la barre, qui avait vécu, pendant quelque temps, dans une tombe du cimetière juif de Vilna, en Pologne. C’était le seul lieu où, avec beaucoup d’autres, il put vivre en se cachant, après avoir échappé à la chambre à gaz. Pendant ce temps, il écrivit des poèmes, dont l’un décrit une naissance. Dans une tombe voisine, une jeune femme donna naissance à un garçon. Le fossoyeur octogénaire prêta son concours, enveloppant l’enfant d’un suaire de toile. Lorsque l’enfant nouveau-né poussa son premier cri, le vieillard se mit à prier : “Grand Dieu, nous as-tu enfin envoyé le Messie ? Car qui d’autre que le Messie lui-même peut naître dans une tombe ?“ »

Ce témoignage est la plus belle métaphore de Noël. Que célébrons-nous à la crèche. Une naissance, une vraie naissance, et tous ceux qui ont assisté à une naissance savent que c’est un événement spirituel, métaphysique, qui nous situe face au mystère de la vie. Mais une naissance dans un couple de migrants qui a été poussé sur les routes de l’exil par le recensement d’un tyran. Une naissance dans une étable, une vraie étable avec des vrais animaux, du vrai fumier et des vraies mouches, pas l’étable aseptisée avec de la paille aromatisée que l’on trouve dans les représentations de la crèche. Une naissance qui a été à l’origine d’un massacre d’enfants.

Là, dans cette étable, un enfant naît dans un monde malheureux et dangereux… et la Bible dit que c’est le sauveur du monde. Et la théologie dit qu’en lui vient habiter le Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la terre. Nous n’avons pas trop de toute une vie pour entendre et accueillir l’inouï de cette parole.