Quand j’étais jeune pasteur, j’avais comme paroissien un grand théologien, André Malet. C’est le professeur qui avait introduit en France la pensée de Rudolf Bultmann.
Comme je n’étais pas bultmanien, j’aimais discuter avec lui. Un jour, pour évoquer son rapport à Bultmann, il m’a dit une phrase qui m’a marqué : « Vous savez Antoine, on ne choisit pas une théologie, on est choisi par une théologie. » Il voulait dire qu’un auteur qui nous nourrit est un auteur qui nous aide à mieux comprendre ce qu’on pense, qui nous permet de mettre des mots sur nos intuitions pour que nous puissions construire notre propre pensée.
Qu’est-ce que la foi ? Une confiance, un trouble, un pari, une espérance, une protestation, un saisissement, la mémoire d’une visite… ? Elle est de l’ordre de l’indicible. Seulement Dieu nous a fait avec un cerveau, il nous appelle à l’aimer avec notre cœur, mais aussi avec notre intelligence. La théologie est l’intelligence de la foi, elle nous aide à mettre des mots sur l’indicible, à passer de l’émotion à la compréhension, du sentiment à l’argument, de l’espérance à l’intelligence.
Notre cerveau a deux hémisphères. Le cerveau gauche est celui de la logique et de la rationalité, le cerveau droit est le siège de nos émotions et de la créativité. Si nous ne voulons pas être hémiplégiques, nous sommes invités à aborder Dieu avec nos deux cerveaux, celui de la foi et celui de la théologie, et à faire des connexions entre les deux. Une foi qui n’occupe que le cerveau droit risque de se transformer en superstition et une foi qui n’est que dans le cerveau gauche devient une idéologie. Il y a des superstitions fécondes et des idéologies magnifiques, mais Dieu nous appelle à dépasser l’opposition entre l’intelligence émotionnelle et l’intelligence rationnelle pour accéder à l’intelligence spirituelle.
Une « bonne théologie » est donc une théologie qui pense et qui célèbre, qui pense ce qu’elle célèbre et qui célèbre ce qu’elle pense.