Cela fait quatre mois que mon livre « Des nouvelles de la mort[1] » est sorti et il me pose une énigme. D’une part, de tous les livres que j’ai écrits, c’est celui pour lequel j’ai reçu le plus de retours élogieux, et d’autre part il a du mal à trouver son public, comme si il abordait un sujet qui faisait peur.
Je suis le plus mal placé pour juger de la qualité de mon livre, mais je reste convaincu que le sujet qu’il aborde est essentiel.
En préparant une conférence, j’ai relu le livre dirigé par Frédéric Rognon, « Penser le suicide ». On y cite le travail de Bronnie Ware, une infirmière qui travaille dans une unité de soins palliatifs. De son expérience, elle a relevé les cinq regrets les plus fréquemment évoqués par les patients en fin de vie.
- Je regrette de ne pas avoir eu le courage de vivre ma vraie vie et non pas celle que les autres voulaient pour moi.
- Je regrette d’avoir consacré trop de temps à mon travail.
- Je regrette de ne pas avoir plus exprimé mes sentiments.
- Je regrette de ne pas être resté en contact avec mes amis.
- Je regrette de ne pas m’être autorisé à être plus heureux.
Tout le monde rêve de mourir en suivant les recommandations de l’empereur stoïcien Marc-Aurèle : « comme une olive qui, parvenue à maturité, tomberait en bénissant la terre qui l’a portée, et l’arbre qui l’a nourrie. » Mais pour cela, il faut ne pas avoir trop de regrets.
La tradition spirituelle parle de meditatio mortis – méditation de la mort – qui est le fait de penser à notre propre fin pour donner du poids à chacune de nos journées.
Il faut écouter ce que disent les personnes en fin de vie, leur situation leur donne une acuité singulière pour nous rappeler l’essentiel.
[1] Antoine Nouis, Des nouvelles de la mort, Olivétan et Salvator, 2019.