Le film est beau, dans tous les sens du terme – de belles images, de belles personnes – et en plus il donne à penser.
Le titre est issu d’une citation de George Eliot située en exergue : « Le fait que les choses n’aillent pas aussi mal pour vous et moi qu’il eut été possible est à moitié dû à ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée et reposent dans des tombes que l’on ne visite plus. » La mystique juive dit que le monde survit grâce à des justes anonymes.
Le film raconte l’histoire vraie d’un de ces justes cachés, un paysan autrichien catholique nommé Franz Jägerstätter. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a refusé de signer un serment d’allégeance à Hitler, car au fond de lui, il était convaincu que la guerre était une folie.
Alors qu’il est emprisonné, il est confronté au dilemme suivant. Son avocat a obtenu qu’il soit affecté dans un hôpital, sans porter les armes, mais il doit pour cela signer le serment. S’il refuse, il sera mis à mort. Sa mère, son avocat, un évêque, un militaire le supplient de signer – même s’il ne pense pas ce qu’il signe – mais il ne le peut. Il n’argumente pas, il sait simplement qu’il ne peut faire autrement. Il est battu, mais il ne le peut. Il est condamné à mort, mais il ne le peut.
Franz a une femme et trois filles, et la scène la plus admirable est quand sa femme, telle une pietà, lui dit : « Fais ce que tu crois juste ».
La question posée par le film rejoint la tension entre éthique de responsabilité et éthique de conviction. Au nom de la responsabilité, Franz aurait dû signer, car la Bible dit qu’il faut choisir la vie. En restant obstiné dans son refus, il prive sa femme et ses filles d’un mari et d’un père. Si j’avais été son conseiller spirituel, que lui aurais-je conseillé ?
Dans son obstination, Franz Jägerstätter a été un authentique témoin de l’Évangile, en sachant qu’en grec, le mot témoin se dit marturion qui a donné martyr.
Un enseignement du Talmud éclaire le dilemme. La tradition dit que d’une manière générale il faut être responsable et choisir la vie sauf si on nous impose des comportements contraires à la vie comme l’idolâtrie forcée, le meurtre ou l’inceste. En revanche, en temps de persécution, c’est la conviction qui doit l’emporter, même au prix de la vie.
Dans la même veine, lorsque le magistrat Jean-François Burgelin a été interrogé sur la tension entre responsabilité et conviction, il a répondu qu’en temps de paix, il privilégiait la responsabilité ; mais qu’en temps de guerre, il fallait choisir l’éthique de conviction.