L’Église et le désir

Dans le cadre de la chaîne de vidéos Campus protestant, je propose toutes les semaines une conversation biblique sur l’évangile du dimanche. Le lectionnaire est œcuménique, ce qui est un beau signe, car toutes les semaines, les catholiques et les protestants méditent le même passage de l’évangile.

Le texte de dimanche prochain est le rêve de Joseph qui l’a conduit à accueillir Marie chez lui. En consultant les listes, j’ai remarqué une différence dans le découpage : le lectionnaire catholique s’arrêtait un verset avant la fin du chapitre. En lisant ce verset, j’ai compris pourquoi, car c’est celui qui contredit la doctrine de l’Église catholique qui veut que Marie soit toujours vierge : « Joseph n’eut pas de relation avec elle jusqu’à ce qu’elle eût mis au monde un fils, qu’il appela du nom de Jésus[1]. »

Dimanche prochain, les catholiques ne sauront donc pas que Joseph a eu des relations avec Marie après la naissance de leur fils ! Ce ne serait pas grave si cela ne mettait en lumière un point aveugle du discours de l’Église qui est son rapport au désir.

Pour m’expliquer, je partirai d’un témoignage qui m’a amusé d’Amos Oz, un écrivain israélien qui raconte dans un de ses livres son initiation à la sexualité : « Quand j’avais une douzaine d’années, je fréquentais une école religieuse de garçons très puritaine. Un jour, l’infirmière de l’école… deux heures durant, après avoir fermé la porte et les fenêtres, nous révéla les choses de la vie sans rien nous épargner : les mécanismes et les processus secrets, ce qui devait pénétrer où, les trompes, les tuyauteries et le reste… Je me rappelle notre effroi quand, après cette description détaillée, elle mentionna les deux monstres de la vie sexuelle, pires qu’al-Qaïda et le Hezbollah réunis : la grossesse non désirée et les maladies vénériennes. J’étais complètement sonné. Si j’avais à peu près compris la technique, je ne voyais pas ce qu’un individu sain d’esprit allait faire dans cette galère. Apparemment, cette brave dame avait omis de nous signaler que l’on pouvait également en tirer du plaisir. Mais peut-être l’ignorait-elle ? » Comme quoi, la pudibonderie se retrouve dans toutes les traditions !

J’ai trop d’amitié pour l’Église catholique pour ne pas partager une partie de l’opprobre qui tombe sur elle pour les scandales sexuels. Parmi les raisons, il y a le fait que trop longtemps l’Église a considéré le désir sexuel comme suspect. À nier que nous sommes des êtres de désir, ce dernier risque de se manifester de façon obscure. Chassez le désir par la porte, il entrera par la fenêtre… parfois sous la forme de monstres.

Il est temps d’affirmer qu’il n’est pas contradictoire – et même qu’il est bon – de penser que Marie puisse être « mère de Dieu » et avoir une sexualité épanouie avec Joseph !

[1] Mt 1.25.