Alors que les Églises se préparent à prier pour l’unité des chrétiens, je voudrais mettre cette prière sous le regard du père de l’Église basile de Césarée qui a écrit : « C’est la même eau fraîche et féconde qui tombe sur le champ afin que fleurissent rouge le coquelicot, rose la rose et bleu le bleuet. »
Tout le monde dit que l’unité n’est pas l’uniformité, mais est-on prêt à tirer toutes les conséquences de cette affirmation ? Il ne s’agit pas de se rassembler autour du plus petit dénominateur commun, mais de célébrer et de rendre grâce pour ce qu’il y a de plus spécifique dans chaque dénomination.
En tant que protestant, je veux rendre grâce pour les prêtres de l’Église catholique, leur dévouement et leur consécration, je veux rendre grâce pour son sens de la liturgie et de l’eucharistie, je veux rendre grâce pour ses congrégations religieuses, je veux rendre grâce pour le témoignage du pape François. Les milieux œcuméniques parlent de « différence réconciliée », ce qui est une belle ambition : considérer que les différences n’empêchent pas d’être réconciliés.
Puisque je suis protestant, je ne peux m’empêcher une petite référence biblique pour illustrer mon propos. La lecture des Actes des Apôtres montre que la première Église était loin d’être monocolore. Parmi les différentes oppositions, la principale était la question de place des non-Juifs dans l’Église. Jacques, le responsable de l’Église de Jérusalem, était pour maintenir les distinctions, alors que Paul défendait l’idée d’une Église inclusive au sein de laquelle Juifs et non-Juifs pouvaient être côte à côte.
Les deux positions présentent deux compréhensions différentes de la nouveauté apportée par le Christ. Autant dire que ces deux positions sont plus éloignées que celles des Églises protestantes et catholiques de nos jours. Paul raconte dans l’épître aux Galates que l’évangélisation des incirconcis lui a été confiée alors que celle des circoncis est revenue à Pierre. Il ajoute : « Jacques, Céphas et Jean, considérés comme des colonnes, nous donnèrent la main droite à Barnabas et à moi, en signe de communion : ainsi nous irions vers les païens, et eux vers les circoncis.[1] »
Jacques et Paul se séparent car leurs compréhensions sont trop différentes, mais au moment de se quitter, ils se donnent la main droite, ce qui est une façon de dire : « J’ai rangé mon épée, je suis désarmé, je te veux du bien. » Pourquoi ne pas y voir aussi un signe de bénédiction ? Je rêve d’une semaine de prière où les Églises pourraient se bénir les unes les autres : « Que le Seigneur te fasse du bien, qu’il te multiplie et qu’il te permettre de grandir dans toutes tes actions. »
[1] Ga 2.9-10.