La demande des prêtres d’Amazonie d’ouvrir la consécration sacerdotale à des hommes mariés est un épisode qui s’inscrit dans une évolution inéluctable.
Voici les données du débat.
Bibliquement, le célibat n’est jamais lié à un ministère. La première épître à Timothée dit : « Il faut que l’épiscope (l’évêque) soit l’homme d’une seule femme » (1 Tim 3.2). Pierre qui est considéré comme le premier pape était marié puisqu’il avait une belle-mère (Mt 8.14) et qu’il voyageait avec sa femme (1 Co 9.5).
L’Église aime à se référer à la tradition, or cette dernière ne défend pas le caractère obligatoire du célibat des prêtres. Jusqu’au onzième siècle, on a trouvé dans l’Église romaine un clergé marié. L’Église orthodoxe, qui est très attachée à la tradition, admet en son sein des prêtres mariés.
Le célibat est une question de discipline et non de foi. De nos jours, on trouve des prêtres mariés dans les Églises orientales attachées à Rome (uniates, maronites…). Des anciens pasteurs et prêtres anglicans mariés ont été ordonnés dans l’Église catholique ces dernières années sans qu’on leur demande de se séparer de leurs épouses. L’Église pourrait donc revenir sur l’obligation du célibat sans toucher au dogme.
Historiquement, le célibat des prêtres a été instauré pour des raisons de pureté selon les interdits du Lévitique qui affirment l’incompatibilité entre la vie sexuelle et le service de l’autel. Les effets de cette compréhension perdurent alors que le discours de l’Église sur l’impureté de la sexualité a changé.
Le célibat des prêtres est justifié de nos jours par une disponibilité radicale. Pour certains, c’est vrai mais son caractère obligatoire est discutable. Dans les Églises protestantes et orthodoxes, on trouve des prêtres et des pasteurs qui sont soutenus par leur conjoint dans leur foi et leur ministère. On trouve aussi des prêtres qui vivent leur célibat comme une solitude appauvrissante, sans parler des dérives qu’il peut susciter.
Un prêtre avec qui je discutais du drame de la pédophilie m’a répondu que le célibat des prêtres n’y survivra pas. Lorsque je lui ai dit que le lien entre le célibat et les déviances sexuelles n’était pas évident, il m’a répondu : « Ce n’est pas cela, c’est une question de signe. Le célibat des prêtres était le signe d’une disponibilité radicale. Depuis les scandales sexuels, le signe ne fonctionne plus. »
Si le pape accepte la demande des évêques d’Amazonie, non seulement c’est une brèche qui sera un jour imitée par d’autres, mais en plus ce sera une vraie évolution dans la reconnaissance du rôle des conférences épiscopales.
La fin du célibat en Europe n’est peut-être pas pour demain, mais elle est inéluctable.