Esther Duflo a été récompensée par le prix Nobel d’économie. Comme elle est protestante, je l’avais rencontrée lors d’un de ces passages à Paris alors que je dirigeais Réforme et j’ai été impressionné par son solide bon sens.
Ce n’est pas un hasard si elle travaille aux États-Unis, car son approche est assez éloignée de l’esprit français qui aime bien faire des théories sur tout et ranger les gens dans des catégories. Il suffit d’observer le monde politique pour voir combien les débats sont clivés : tout ce que dit un homme politique de mon bord est juste et tout ce que dit un homme du parti d’en face est faux.
Dans le domaine des sciences sociales, il a été interdit en France pendant des décennies de faire des études selon les pays d’origine des habitants, car c’était contraire à l’idéal républicain. Il en est de même des enfants du divorce, car ce n’est pas politiquement correct.
La grande approche d’Esther Duflo repose sur l’expérimentation : devant un problème social, il n’y a pas ce qui est vrai et ce qui est faux, mais ce qui marche et ce qui ne marche pas, ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas. Il y a quelque chose de protestant dans ce pragmatisme qui n’a pas peur de critiquer son propre camp, et qui se méfie des idéologies.
Je rêve de voir l’esprit d’Esther Duflo souffler sur notre monde politique et qu’on prenne l’habitude de suspendre son opinion sur une mesure sociale et d’attendre d’avoir une évaluation pour savoir si elle est positive.
Je rêve de voir l’esprit d’Esther Duflo souffler sur nos débats économiques et qu’en matière de fiscalité, de financement des retraites ou de lutte contre le chômage, on n’ait pas peur des expérimentations.
Je rêve de voir l’esprit d’Esther Duflo souffler sur notre Église et qu’on arrête de juger les pasteurs sur ce qu’ils pensent par exemple sur le mariage homosexuel, mais sur le fait de voir si la communauté dont ils ont la responsabilité est dynamique et si les gens y sont épanouis.