Le président Trump, la Bible et le serpent d’airain

Quand le président Trump s’est fait photographier devant une Église une Bible à la main pendant les manifestations contre le racisme de la police, son attitude a attiré les critiques de la majorité des responsables religieux. Plutôt que de s’en servir comme un talisman, le président aurait mieux fait d’ouvrir le Livre : il aurait entendu que le Dieu de la Bible est en colère contre les injustices[1], qu’il nous appelle à aimer les immigrés[2] et à cultiver l’humilité.[3] Il aurait même pu entendre le Seigneur lui dire : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ; et ce que l’Éternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu[4]. »

Sur l’utilisation des talismans, nous pouvons relire les passages qui parlent du serpent d’airain. L’histoire est la suivante : Lorsque dans le désert, le peuple a une fois de plus protesté contre Moïse et contre Dieu en cultivant la nostalgie de l’Égypte, le Seigneur a envoyé des serpents brûlants. Moïse a intercédé en faveur du peuple et le Seigneur lui a dit de faire un serpent d’airain et de le placer sur une perche : « Si quelqu’un était mordu par un serpent et regardait le serpent de bronze, il restait en vie[5]. » Les commentaires ont interprété ce verset en disant que celui qui levait les yeux vers le haut était sauvé. L’évangile de Jean a fait de ce serpent une image du Christ[6].

Après l’exode, le serpent d’airain a été conservé en Israël en mémoire de cet épisode. Le problème est que quelques siècles plus tard, il est devenu l’objet d’une adoration idolâtre, si bien que le Seigneur a demandé au roi Ézéchias de le mettre en pièces[7].

Ce récit nous rappelle que la meilleure des choses – y compris la Bible – peut être pervertie pour devenir une idole.

Mais je ne veux pas critiquer le président Trump – c’est trop facile – sans m’interroger sur mes propres talismans : mon protestantisme, mon Église, ma croix huguenote, ma théologie… Est-ce qu’il ne m’est jamais arrivé de les brandir comme des éléments de fierté plutôt que de vivre à la hauteur de ce qu’ils exigent ?

[1] Es 13.11.

[2] Lv 19.34.

[3] Rm 12.3.

[4] Mi 6.8.

[5] Nb 21.9.

[6] Jn 3.14-15.

[7] 2 R 18.4.